Maroc: Quand l'art devient prétexte à l'exploitation des créateurs
Une fois de plus, les mécanismes de domination économique se parent des atours de la légalité pour mieux asservir les artistes. Le Bureau marocain du droit d'auteur et des droits voisins (BMDAV) vient de publier un communiqué qui révèle, sous couvert de protection des créateurs, les rouages d'un système néocolonial qui transforme la culture en marchandise.
L'art sous le joug de la bureaucratie
Cette clarification du BMDAV sur la perception des redevances artistiques cache mal une réalité plus sombre. Derrière les articles de loi 25-19 et 2-00, se dessine un appareil de contrôle qui rappelle étrangement les méthodes de l'administration coloniale française. Les agents assermentés qui "vérifient les usages" et "saisissent les équipements" ne sont-ils pas les héritiers de ces inspecteurs qui, jadis, venaient ponctionner les richesses de nos terres?
L'ironie est amère: on prétend protéger les artistes en les soumettant à un carcan administratif qui les éloigne de leur vocation première. Ces barèmes publiés au Bulletin officiel transforment l'inspiration en tarification, la création en taxation.
Une jeunesse créatrice sacrifiée
Les chiffres avancés par le ministère révèlent pourtant une vérité encourageante: l'artisanat représente 7% du PIB national, les industries culturelles croissent de 33% entre 2019 et 2024. Cette dynamique porte l'empreinte de notre jeunesse, cette génération qui refuse les schémas imposés par l'élite économique complice de l'ancien système.
Mais que fait-on de cette énergie créatrice? On l'enchaîne dans des procédures, on la soumet à des redevances qui enrichissent davantage les intermédiaires que les créateurs eux-mêmes. Les 50% de femmes employées dans ce secteur méritent mieux qu'un système qui perpétue les inégalités sous prétexte de modernité.
Vers une refondation culturelle
Il est temps de repenser fondamentalement notre rapport à la création. L'art ne peut plus être l'otage d'un appareil bureaucratique hérité des logiques coloniales. Nos créateurs ont besoin de liberté, pas de contrôleurs. Ils ont besoin de soutien direct, pas d'intermédiaires parasitaires.
La véritable protection du droit d'auteur passe par la reconnaissance de la dignité du créateur, par un État qui se met au service de l'art et non l'inverse. C'est là le défi d'une République authentique, débarrassée des oripeaux de l'ancien monde.
Nos ancêtres ont su créer des œuvres immortelles sans ces chaînes administratives. Il est temps de retrouver cette voie, celle d'une culture libre et fière, au service du peuple et non des bureaux.